Le marché de l'art n'a pas arrêté de défrayer les chroniques des journaux en nous étonnant toujours par la variété de ses records ou parfois de ses déceptions !
Voici quelques réflexions, résultats, tendances et épiphénomènes récents du marché.
Tableaux anciens
De Lucas Cranach à la cantatrice Maria Callas tout fait farine à bon moulin dans le monde des enchères. La spécialité des tableaux constitue dont nous parlerons principalement la pièce de résistance du marché. C'est ainsi que les maîtres anciens comme Lucas Cranach et sa Vénus ont confirmé la bonne tenue et la stabilité des valeurs classiques et anciennes avec une peinture adjugée à Paris l'équivalent de 112.000.000 BEF.
Cette Vénus dévoilant ses tours et détours mesurait 52 x 31,5 cm et a été peinte vers 1537. Très curieusement, à notoriété égale avec les tableaux modernes, le tableau ancien qu'il soit Primitif Italien, Flamand ou Allemand ne tient la cote que pour les œuvres de grande renommée. Les prix pour des maîtres moins connus stagnent ou descendent. Le goût et le cœur des acheteurs ne sont pas au rendez-vous pour cette période. Le tableau ancien (du 14ème au 18ème siècle) et moderne (19ème et 20ème siècle) se comparent difficilement.
La mode et la demande vont évidemment vers les tableaux modernes qui ont connu un taux d'appréciation nettement supérieur à celui des tableaux anciens dans le temps. Le revers de la médaille de cette spécialité, ce sont les invendus. L'intérêt va grandissant dans le 17ème siècle avec les grands classiques hollandais bien connus : Van Goyen, Van Ruysdael et autres peintres du plat pays.
Chez nous, Brueghel, Teniers et autres croqueurs des bons moments de la vie enlèvent la palme d'or. Nous nous abstenons de citer évidemment Rubens qui est un peu hors concours et affiche toujours des prix soutenus quand une œuvre vient sur le marché (de 15 à 60 millions de nos francs selon la grandeur, la qualité et le sujet de l'œuvre).
Quant aux records du 18ème siècle, ils sont plutôt pauvres chez nos flamands.
Les tableaux français importants du 18ème siècle, eux, n'arrêtent pas de consolider des records avec notamment un tableau d'Antoine Watteau, " Le Conteur ", qui a atteint l'équivalent de 140.000.000 BEF ou encore l'œuvre de Jean Honoré Fragonard représentant Marie Catherine Colombe vendue plus de 200.000.000 BEF.
Tableaux modernes
On arrive au marché du tableau moderne qui, avec les Romantiques, connaît un nouveau regain d'intérêt (faute de qualité dans d'autres spécialités) avec des prix soutenus. Viennent ensuite les incontournables œuvres impressionnistes, fauves, cubistes ou surréalistes. Picasso avec sa " Femme aux bras croisés " (période bleue) fut adjugé l'équivalent de 2.400.000.000 BEF, soit un record pour cet artiste. Renoir, Monet ou Van Gogh continuent à vider à tort ou à raison les escarcelles des collectionneurs. Ce marché moderne semble amnésique et manque sûrement de mesure et de réflexions en oubliant ce qui s'est passé dans les années '90. Celles-ci furent désastreuses avec une grande dépression et des retraits énormes d'œuvres invendues. On a connu dernièrement à New York des déceptions mais pas de désastre de cette ampleur.
L'insolite
Mais que dire du parfum des enchères de la plus grande Diva du 20ème siècle, La Callas. Gloire, honneur et réussite furent l'apanage de ce personnage haut en couleur. Ses souvenirs les plus intimes qui frisaient parfois l'indécence furent mis à l'encan. La Prima Donna laissait un registre de souvenirs allant de Franco Zeffirelli à Luchino Visconti (les metteurs en scène) en passant par une œuvre d'un artiste contemporain qui l'avait portraiturée en… pétales de fleurs !
Le marché de l'art adore les extrêmes, la rareté, les signes de la variété et, surtout et sûrement, l'originalité. Nous ne pouvons oublier dans ce tour de piste des enchères les photos de Man Ray dont la valeur affirmée n'est plus à commenter. Ce qui a changé dans cette spécialité, c'est que de nombreux nouveaux artistes photographes contemporains trouvent preneurs facilement pour leurs oeuvres à des prix qui laissent pantois plus d'un acheteur ! Il y a actuellement pléthore de photographes nouvellement arrivés qui vendent leurs œuvres à des prix inespérés aussi bien en galerie qu'en vente publique, chose encore impensable il y a deux ou trois ans.
Le marché belge moderne
Plus proche de nous, le marché des tableaux modernes belges se porte bien. Celui-ci a aussi ses " Divas ". On épinglera les quelques valeurs montantes qui se vendent aussi bien en gré à gré qu'en vente publique en Belgique et à l'étranger. Théo Van Rysselberghe dont les tableaux d'avant 1900 principalement connaissent des prix de plus en plus affirmés. Léon Spilliaert avec des œuvres d'avant 1914 connaît lui aussi un fameux regain d'intérêt. Knopff et Ensor, pour les bonnes périodes et sujets, défraient aussi les chroniques tant nationales qu'internationales des ventes. Que dire des bonnes œuvres d'Alechinsky et du groupe Cobra des années 1948 - 1952 qui connaissent toujours un succès grandissant. On terminera avec Maurice Wyckaert qui n'est pas encore membre du gotha des noms précités mais qui a doublé gentiment sa cote en quelques années, c'est-à-dire de 300.000 BEF à 600/700.000 BEF pour sa période recherchée et des œuvres d'un grand format… !
Conclusions
Si le détenteur d'un objet d'art de qualité s'y retrouve parfois financièrement dans le temps, c'est grâce notamment à la rareté et la mode qui font monter les prix. Pour les courtiers, marchands et auctioneers le problème est différent. Leur chiffre d'affaires stagne pour certains vu la rareté de la marchandise. Heureusement l'explosion des prix des bonnes pièces avec la rareté vient compenser ce manque à gagner.
L'art de s'exprimer à l'aide d'un support n'est pas donné à tout le monde. Les artistes ont la possibilité de se faire consacrer par la vente de leurs œuvres. Mais seul le marché a le dernier mot et la mode, la conjoncture et les aléas économiques et sociaux font le reste.
Le marché de l'art comme d'autres marchés connaît des hauts et des bas. Celui-ci a aussi brûlé ce qu'il a aimé, vilipendé ce qu'il a adoré et oublié ce qu'il a promu. Le marché de l'art a quand même un grand mérite, c'est de mettre notamment l'argent au service de certains bons artistes qui sans ce véhicule tant décrié par certains n'arriveraient jamais à la reconnaissance internationale qui leur est justement due.