Le statut des commissaires-priseurs français a été aboli dans le cadre de la libre circulation des biens et services en Europe. Ce statut aura vécu presque cinq siècles… ! Ce système de vente publique le plus protégé légalement dans le monde est tombé. Il fait place à la libre concurrence des services. Le commissaire-priseur ne sera donc plus l'officier ministériel chargé de préserver les droits du trésor et détenteur d'une charge. Il deviendra un simple commerçant comme dans les autres pays du monde. La France étant encore le grenier du monde au niveau détention d'œuvres d'art, les grandes maisons se feront un plaisir de les dépecer de leur culture… Finie l'évasion sous des cieux anglo-saxons plus organisés sur le plan marketing et commercial, les Anglais ont enfin trouvé le truc pour officier en France. Mais c'est l'histoire de l'arroseur arrosé, car ce sont les Français qui détiennent la majorité des capitaux anglais. Ils ont donc à nouveau ce marché en mains via des sociétés qui n'ont plus d'anglais que le nom. Seules les législations fiscales iniques continueront à déforcer le marché français et européen. En effet, en Europe, en vente publique, il existe une cascade de taxes édictées par certains états qui pénalisent lourdement le système. Nous citerons simplement le droit de suite, la taxe sur la plus value pour presque tous les pays (Belgique encore exceptée), la TVA à l'importation en Europe, etc. D'autres restrictions propres à chaque pays pénalisent aussi nos marchés européens, comme le droit de préemption ou le refus de sortie d'une œuvre d'art.
Le marché des Etats-Unis a profité de cet état de choses mais la force de l'U.S. Dollar est la première raison du succès des ventes américaines.
Au niveau de la répartition des intérêts des capitaux du monde international de l'art, ceux-ci s'organisent de la façon suivante : Les deux premières maisons de ventes publiques sont détenues par Messieurs Pinault et Arnault, Français bien connus, propriétaires respectivement des magasins Printemps pour le premier et de L.V.M.H. pour le second ; Monsieur Taubman, quant à lui, est américain et détient la majorité de Sotheby's.
Ces trois capitaines d'industrie ont un point en commun : ils veulent leur danseuse, en l'occurrence dans ce cas-ci une salle de ventes. Si la vente publique a encore le vent en poupe dans le grand public, la rentabilité, elle, n'y est plus et est repassée chez les grands marchands internationaux.
L'avenir de ces grandes maisons n'est donc pas toujours rose, en dehors des lourdes amendes que l'état de New York a infligé aux deux premières maisons de ventes pour entente illégale sur les conditions de vente. La question pour tout auctioneer n'est plus simplement de trouver la marchandise de qualité qui a toujours difficilement été au rendez-vous, mais de clôturer un bilan sur une note positive. La compétition, et les frais généraux gigantesques, mangent la rentabilité de chaque enchère.
Les gagnants de ce marché, en dehors des marchands qui peuvent parfois offrir plus qu'une vente publique au vendeur, ce sont les petites salles de ventes régionales avec un staff qui ne dépasse pas une quinzaine de personnes. C'est ainsi que des ventes publiques belges ont fait de très belles performances pour une certaine marchandise bien de chez nous : Ecole de Laethem, mobilier régional, porcelaines 18ème et 19ème siècles, Ecole belge 19ème siècle, etc.
Paris a aussi très bien tiré son épingle du jeu. La capitale française avait perdu son leadership depuis plus d'une vingtaine d'années. Les choses ont changé pour les raisons suivantes : tout d'abord la Compagnie des commissaires-priseurs a connu une hausse significative de son chiffre d'affaires, ensuite le rachat des deux premières maisons anglaises qui sont devenues françaises par leurs capitaux vont profiter au marché parisien. De plus, Monsieur Pinault a racheté Piasa, maison de ventes aux enchères bien connue. Arnault, lui, a jeté son dévolu sur Tajan, première maison française. De cette manière, leurs sociétés holding battant anciennement pavillon anglais ont directement leur " pied-à-terre " à Paris. Ces achats hautement stratégiques leur assurent le meilleur départ sur Paris.
La dernière nouvelle est que Arnault abandonne partiellement le marché anglais. En effet, il abandonne 51% des ses actions Phillips à Bonhams qui reprendrait les bâtiments de New Bond Street et quasiment toutes les ventes excepté bijoux, tableaux modernes et contemporains principalement. Il est évident que Arnault a du comprendre qu'il ne pouvait être sur tous les fronts à la fois. Il préfère lutter pour essayer d'égaler les autres dans les tableaux contemporains, les tableaux modernes et les bijoux. Ses activités de ce fait vont se recentrer sur Paris, New York et Genève. Il abandonne donc une partie des spécialités et du " middle market " à la salle de ventes Bonhams qui, elle, se trouve maintenant propulsée à l'avant-plan. En effet, Bonhams avait pris de l'importance via sa fusion avec Brook, premier auctioneer mondial des voitures de collection. Avec l'adjonction du chiffre d'affaires de Phillips Angleterre, Bonhams est appelée à jouer un premier rôle en Angleterre surtout que Bonhams reprendra les ventes de tableaux anciens délaissées par Phillips.
Arnault met donc de l'ordre dans ses comptes et concentre ses forces sur quelques spécialités pour mieux contre-attaquer les deux autres groupes.
Les ventes garanties (c'est-à-dire les ventes où la maison de ventes aux enchères s'engage à payer et devenir acheteur à un prix déterminé minimum après la vente si l'objet n'est pas vendu) ont coûté fort cher à Phillips New York.
Phillips a réitéré partiellement la même stratégie de garantie avec financement des acheteurs et vendeurs que Sotheby's avait inauguré il y a plus de 10 ans. Cela avait coûté une facture énorme à la salle de ventes américaine : c'est-à-dire la confiance de ses clients qui avaient boudé le marché. Les clients acheteurs et vendeurs avaient compris qu'ils étaient manipulés et que les lois du marché étaient faussées.
Mais l'histoire ne fait que se répéter. En garantissant un prix, on devient marchand et toutes les salles de ventes qui appliquent cette technique rêvent ainsi de dominer tout le marché. Nous répondons à cela : à chacun sa fonction et le marché se portera on ne peut mieux.
Ceci aussi au nom d'une simple logique : qui trop embrasse mal étreint.